vendredi 21 janvier 2011

Me voici à Dakar et très en retard sur mon passage à Niomoune...

J'en étais à la pompe solaire qui serait fort utile à ces femmes. Ma visite à Condé se clôture par une séance photo où les femmes se prêtent au jeu, en exécutant une danse ou en demandant de prendre leurs enfants. Je sais que ce sont des villages auxquels je vais rester attaché, par le biais d'Anouck et Yves, de qui je deviens proche. De retour au campement, je fais connaissance de Yvonic, et oui, encore un breton, parti à la découverte du monde sur son voilier. Quelques échanges placés sur le ton de l'humour avec ce baroudeur du style Obélix, presque en route pour l'archipel au sud de la Guinée Bissau.
Petit Niambon revient me chercher vers 17h et me propose de m'emmener à Haer, l'autre village distant de 2,5kms. C'est parti mais vu l'heure et la distance, nous allons rentrer de nuit donc je m'équipe en conséquence. Sauf en chaussure, le chemin sablonneux que nous empruntons, est parsemé de petites épines qui viennent, tous les 3 mètres se loger entre mes orteils. Niambon avance d'un bon pas, sans ressentir comme moi chaque piqûre. Je ne vous cache pas que j'appréhende déjà le chemin du retour dans le noir. Arrivée à Haer, je suis présentée au chef du village, occupé à préparer la lanière permettant aux récolteurs de grimper aux palmiers.
Ensuite, nous nous rendons chez le directeur d'école Mr Sanné. C'est la personne ressource du village à qui je remettrais le soin d'expliquer l'utilisation des aquatabs. Il s'agit de comprimés de chlore pour purifier l'eau de boisson. Enfin, une solution alternative à l'eau de javel que la population utilise ou parfois pas comme il le faudrait, car difficile à doser. Les problèmes de diarrhée sont responsables d'une forte mortalité chez les jeunes enfants... J'ai eu la chance cette semaine, d'être invitée par US AID à la formation en marketing social pour promouvoir ce produit. Ce comprimé sera bientôt en vente dans toutes les boutiques au prix de 20FCFA, soit 3 centimes d'euros pour purifier 20 litres d'eau. Abordable pour tous vous me direz, et bien, maintenant, je suis consciente que ça double le prix d'achat de 20 litres d'eau. Car les habitants des îles qui n'ont pas pu récolté de l'eau de pluie durant l'hivernage, achètent des bidons d'eau de distribution à Ziguinchor à ce prix...Pas évident ici de mettre des projets en place, tout doit être réfléchi et basé sur le changement de comportement, l'évolution des mentalités. Ainsi, les bases du marketing social m'aideront j'espère tant dans le domaine du solaire que la purification de l'eau. La lumière et l'eau, les 2 sources  de vie indispensables.
Je fais connaissance avec une femme qui a accouché l'avant veille, je reste en admiration devant la technique utilisée pour langer le bébé avec un tissus. Elle me demande mon nom et décide que sa file sera mon "homonyme" comme on utilise beaucoup cette formule ici.
La nuit commence à tomber, nous clôturons la visite par le jardin des femmes, sur le même principe qu'à Condé ce matin, mais là, je découvre des citronniers, du bissap (je vais en faire du jus), on m'offre également un potiron, déjà d'une belle taille. C'est Soso qui est heureuse et propose de l'utiliser pour un bon gratin au fromage de Casamance le lendemain. Le chemin du retour dans la pénombre se fait tranquillement, Niambon a compris que mes petits pieds sont plus sensibles que les siens. Je suis invitée à faire une pause pour déguster le "bunuk", le traditionnel vin de palme fraîchement récolté. Les amis récolteurs de Niambon, nous accueillent autour d'un feu au coeur de la palmeraie. Je dois dire que je reviens totalement sur ma 1ère impression de la kermesse de Tilène. Le bunuk se boit "comme du petit lait", il s'agit de la sève, proche d'un jus de fruit, qui évolue en goût et en pourcentage d'alcool, d'heure en heure et de jours en jours. (Conservation maximale une semaine au réfrigérateur). Je garderais longtemps ce souvenir de ces 6 récolteurs réunis autour du feu, en écoutant grâce à un gsm, Francis Cabrel, chanter "Je t'aime, je t'aimerais..." et ces jeunes tous en choeur me demander chacun à leur façon en "mariage". Petite précision, on nous demande toujours comment on s'appelle, en insistant pour connaître notre nom de famille. Il est préférable de choisir un nom d'emprunt. Je suis rebaptisée "Anna"pour les gens que je rencontre juste en rue. Et Isabelle "Garnier" pour ceux que je côtoie plus. La culture Diola fait que la population est sous l'influence de nombreux fétichistes, qui peuvent facilement travailler à partir du nom complet. Ce matin, au petit déjeuner, Soso m'explique différentes anecdotes concernant des serpents, ce qui me prouvent en effet, que leur système de croyance, les superstitions sont très ancrées. D'après les toubabs ayant assistés aux cérémonies de la circoncision, ce sont des pratiques authentiques, qui ne doivent pas être prises à la légère. Je pense que le plus judicieux est alors d'adapter une attitude ouverte et observatrice car nous avons tant à apprendre et nous enrichir sur les plans culturels et spirituels.
Je continue à m'intéresser à ces nombreux arbres exotiques, qui me fascinent, à travers cette végétation luxuriante. J'apprends à distinguer les majestueux fromagers, le vrai et la faux ditachs, le palmier, du bananier, du cocotier, du ronier (son fruit le coni est délicieux, composé de 3 alvéoles remplis d'une forme de gélatine sucré et rafraichissante à souhait) C'est à partir du ronier qu'on fabrique la lanière des récolteurs de bunuk. Le baobab, vous le connaissez mais j'ai découvert ici (et non au Botswana) qu'on mange son fruit appelé pain de singe, on fabrique avec le jus de bouye, délicieux et onctueux.
Un début de journée qui s'annonce calme. Mes 9 kms de marche d'hier, qui en valent le double, dans le sable, mes cuisses demandent un peu de repos, en attendant certainement une nuit de danse pour le mariage d'Anouck et Justin. J'en profite pour écrire, lire le "baobab fou" de Ken Bugul "qui signifi en wolof "personne n'en veut". Auteur sénégalaise, elle est spécialiste du développement et de la planification familiale.
Vers 15h30, nous nous synchronisons avec la pirogue qui doit arriver de Ziguinchor à Niomoune, avec à son bord, les jeunes mariés. A notre grande surprise, les mariés arrivent à bord d'un petit bateau appartenant à un ami Suisse et sa femme Diola. Nous procédons au déchargement de toutes les victuailles (différents biscuits fait main par Anouck appelés bonbons, le gâteau et une petite partie du bunuk)
Le mariage Diola, m'explique Yves, est un très long processus, qui peut durer 10 ans. L'homme, d'abord va voir les oncles de jeune fille, qui se concerte et donne leur avis. Ensuite, il faut l'avis et l'accord des tantes de la mariée potentielle...Puis les parents de la femme concernée et enfin la femme elle même. A chaque étape, des réunions, des "causeries" se font, il faut user de patience, pour être informé du résultat de chaque concertation. Si l'une ou l'autre partie émet une objection, on reprend le processus à la base. Enfin si le résultat est positif, le prétendant doit proposer une valeur en quantité de bunuk de la marié. Ainsi, en comparaison avec la voisine ou cousine..., les vieux disent 300 ou 400 litres, ce serait bien. Alors le prétendant doit enrichir et proposer par exemple 350 litres de vin de palme. A partir de cet accord, faut il encore que l'homme ait les moyens de financer cette quantité de bunuk pour rassasier toute la communauté le jour du mariage. Cette étape peut prendre plusieurs mois ou années. Enfin le jour du mariage est décidé en fonction de la quantité de bunuk commandé et récolté puisque la récolte se fait le jour même ou la veille.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire